Docteur Pierre NAHON

Chirurgien
Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique


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nécrose spontanée du sein gauche


Premier cas troublant de nécrose spontanée du sein sur prothèses PIP

Le 3 janvier 2012 une femme de 41 ans vient consulter en urgence pour une plaie avec écoulement du sein gauche survenue spontanément 36 heures auparavant.

SON HISTOIRE

L’interrogatoire révèle qu’elle a subi en 2003 une plastie mammaire d’augmentation et correction de ptôse par mise en place d’implants de marque PIP.
Elle raconte une intervention chaotique avec reprise opératoire se soldant par une cicatrisation retardée et aboutissant à un résultat qu’elle juge insatisfaisant sur le plan esthétique.
Elle reste néanmoins avec ce résultat sans consulter pendant toutes ces années.
Elle ne fait même pas de mammographie de contrôle pour ne pas avoir à montrer ses seins.

LES FAITS RÉCENTS


Elle raconte que depuis environ trois semaines qu’une grosseur s’est formée au niveau des quadrants inférieurs du sein gauche au dessus du sillon sous-mammaire.
Cette tuméfaction est bleue et douloureuse, l’état général n’est pas altéré.
Elle se décide à prendre rendez-vous après un voyage programmé pour les vacances de Noel.
La veille de son retour en France elle sent un écoulement soudain, abondant, jaunâtre sous le sein gauche provenant d’une plaie apparue spontanément, en dehors de tout traumatisme.
A peine arrivée en France elle avance son rendez-vous qui se présente alors comme une urgence.
L’examen clinique trouve une zone de souffrance cutanée d’environ 10cm de long sur 5cm de haut avec deux zones de 2 et 4 cm2 de nécrose franche avec exposition de la prothèse.
L’état général est conservé sans signe infectieux, il existe un écoulement jaune, rosé modéré, mais la prothèse joue en quelque sorte le rôle de bouchon.
Le sein est douloureux et on ne cherche pas à mobiliser l’implant.
On nettoie la plaie et on hospitalise la patiente en vue d’une intervention le lendemain à la première heure.

LE TRAITEMENT



Sous anesthésie générale on commence par le sein droit pour des raisons d’asepsie et par voie sous mammaire on réalise l’ablation en bloc de la prothèse entièrement contenue dans sa capsule fibreuse.
Du coté gauche on excise la zone de nécrose, la prothèse est retirée facilement. La capsule péri prothétique est épaisse, inflammatoire, bourgeonnante et l’on décide de l’enlever en totalité. Cette procédure menée à bien, les seins sont refermés sans remettre d’implant.

OBSERVATIONS

Les implants sont bien de la marque PIP et ne présentent ni l’un ni l’autre, à la vue et au touché, d’anomalies évidentes. Du coté droit la capsule est normale et entre elle et l’implant il n’y a pas de suintement. Du coté gauche le liquide est prélevé, les tissus retirés des 2 cotés sont envoyés pour analyse anatomopathologique.
Les suites immédiates sont simples, la patiente quitte la clinique le lendemain.

Ci-après prothèse droite entourée par sa capsule.
capsule autour de la prothèse
Ci après on ouvre la capsule et l’on voit l’implant.
prothèse sous la capsule
Ci après prothèse et capsule droites.
prothèse pip et sa capsule
Ci après prothèse et capsule gauches
prothese et capsule gauche

DISCUSSION

En plein scandale des prothèses PIP ce cas clinique pose des interrogations car il est très rare et que son processus de constitution n’est pas établi à 100%.
Les cas de nécrose observés sont habituellement des nécroses post-opératoires précoces en rapport avec le traumatisme chirurgical.

Sur sa publication

Le publier provoquera immanquablement des inquiétudes chez les porteuses de prothèses PIP alors qu’elles doivent être rassurées.
Ne pas le publier pourrait être interprété comme un manquement à un devoir de mise en garde.

Sur sa survenue

En dehors de tout traumatisme direct, pourquoi une prothèse nécrose-t-elle la peau du sein après 7 ans de silence ?
Avant la peau, elle doit, si elle est normalement placée, détruire la zone intermédiaire glandulaire ou graisseuse sous la peau. La prothèse comprime les tissus par la poussée mécanique qu’elle exerce vers le bas dans la partie inférieure du sein.
Plus les tissus sont fins plus elle a des chances de les « user ». On se souvient que la patiente avait été opérée une deuxième fois en postopératoire en 2003. Cela a-t-il joué un rôle ?

Quelle est la responsabilité de la prothèse ?

Je l’ai dit, les prothèses étaient intactes mais peut-on éliminer totalement l’hypothèse de la diffusion d’un produit nocif inconnu ayant participé à ces dégradations tissulaires ?
Au total la relation entre cette nécrose cutanée spontanée et les prothèses de marque PIP n’est pas établie et les porteuses de ces implants ne doivent pas prendre cette information comme un risque supplémentaire démontré.
Comme l’association prothèses/cancer n’y a pas lieu d’en faire une nouvelle, prothèses/nécrose avérée.

Ce cas a été déclaré à l’AFSSAPS le 4 janvier 2012 et a fait l’objet d’une dépêche AFP le 5 janvier 2012 à 17h56.
référence de la dépêche AFP