Docteur Pierre NAHON

Chirurgien
Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique


LES GRANDES QUESTIONS > Les chirurgiens > La violation répétée du secret professionnel en chirugie esthétique

les chirurgiens se laissent filmés avec leur patient


Chirurgie esthétique, Paris, France : la violation répétée du secret professionnel, textes de lois, code de déontologie, code pénal

Toutes les émissions de télévision de reportages sur la chirurgie esthétique sont basées et montées sur la violation du secret professionnel par les médecins qui fournissent eux mêmes aux médias les patients qui vont témoigner.
Cette violation qui est la faute la plus grave que peut commettre un médecin est consentie en échange de la publicité directe (elle même interdite dans le code de déontologie médicale) qui est faite aux praticiens. Quand vous lirez le texte suivant sur le secret professionnel vous comprendrez facilement d’une part la gravité de l’infraction, d’autre part, que les médecins en question ne sont pas dignes de confiance.

Cette violation du plus vieux fondement de l’exercice médical est dramatique, car elle laisse penser que la chirurgie esthétique n’est plus exercée par des chirurgiens mais par des commerçants. Elle déconsidère l’ensemble d’une discipline, d’une profession et de ses membres.La violation du secret professionnel rend impossible la confiance des patients qui en sont les premières victimes. Le secret professionnel a été institué depuis des siècles, en premier dans leur intérêt.

Pierre NAHON


Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
De très ancienne tradition, le secret médical reste un des piliers de l’exercice de la médecine contemporaine. En effet, « il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret ». Le médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient.
Le secret est un devoir du médecin.

Le code de déontologie formule la règle du secret médical, dès son article 4 pour en montrer l’importance.

1 - Le secret professionnel s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi

 la chirurgie esthétique fait vendre les mediasLe code pénal de 1810 (art. 378) apporte pour la première fois une consécration légale au secret en citant au premier rang des personnes qui y sont astreintes les médecins et les professionnels de santé. L’obligation au secret figure aujourd’hui dans le nouveau code pénal (loi du 22/07/1992 en vigueur depuis le 1er mars 1994) sous les articles 226-13 et 226-14.
Les codes de déontologie médicale successifs viendront en préciser la définition avant que n’intervienne l’article L.1110-4 du code de la santé publique, introduit par la loi n° 2002-303 du 04/03/2002.


A – La loi

Code de la santé publique - Art. L.1110-4

Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des information la concernant.

Il s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tout les professionnels intervenant dans le système de santé.

Code pénal - Article 226-13

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Article 226-14 :

« L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :

  1. A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique
  2. Au médecin, qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République des sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises
  3. Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une

Aucune sanction disciplinaire ne peut-être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article. »

Le code pénal ne fait plus référence aux médecins. Il traite du secret professionnel et non plus de façon spécifique du secret médical. Il ne s’agit plus du secret « confié » mais du secret dont le professionnel est dépositaire.
Il ne s’ensuit pas que cette rédaction modifie les contours ou la substance du secret médical. Il annonce, sans les énumérer, des dérogations de deux ordres : les divulgations imposées et les divulgations autorisées.

B - Jurisprudence

La jurisprudence, tant judiciaire qu’administrative, renchérit encore sur ces dispositions en proclamant que le secret médical revêt un caractère général et absolu. La Cour de Cassation l’a affirmé la première, dès le XIX° siècle (1885 - arrêt Watelet) et surtout dans un arrêt de la chambre criminelle du 8 mai 1947 (Degraene) : « L’obligation du secret professionnel s’impose aux médecins comme un devoir de leur état. Elle est générale et absolue et il n’appartient à personne de les en affranchir ».
 la consultation de chirurgie esthétique est secreteDe ce caractère général et absolu du secret médical, les jurisprudences de ces deux cours souveraines tirent des conséquences importantes. Ainsi, il a été admis que :

  • le malade ne peut délier le médecin de son obligation de secret
  • cette obligation ne cesse pas après la mort du malade
  • le secret s’impose même devant le juge
  • le secret s’impose à l’égard d’autres médecins dès lors qu’ils ne concourent pas à un acte de soins
  • le secret s’impose à l’égard de personnes elles-mêmes tenues au secret professionnel (agents des services fiscaux)
  • le secret couvre non seulement l’état de santé du patient mais également son nom : le médecin ne peut faire connaître à des tiers le nom des personnes qui ont (eu) recours à ses services.

Il ne peut donc être dérogé au secret médical que par la loi.

Le secret professionnel du médecin est à la fois d’intérêt privé et d’intérêt public :

  • D’intérêt privé : le médecin doit garantir le secret à la personne qui se confie à lui ; elle doit être assurée de ne pas être trahie. Sa confiance doit être sans faille, si elle a à donner une information intime utile au médecin et aux soins. Respecter le secret est un comportement imposé par la nature des informations dont la divulgation à des tiers pourrait porter atteinte à la réputation, à la considération ou à l’intimité de la personne qui s’est confiée au médecin ; le droit au respect de l’intimité est inscrit dans la déclaration universelle des Droits de l’Homme.
  • D’intérêt public : l’intérêt général veut que chacun puisse être convenablement soigné et, ait la garantie de pouvoir se confier à un médecin, même s’il est dans une situation sociale irrégulière/marginale, pour bénéficier de ses soins, sans craindre d’être trahi ou dénoncé.

D. Nature du secret médical

Le secret couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession (cf. art. L.1110-4 du code de la santé publique, définition du secret médical)

Le texte du code pénal parle d’une « information à caractère secret » ce qui pourrait faire penser que le médecin n’a de secret à garder que lorsqu’il a reçu d’intimes confidences

Cependant, dans l’exercice de sa profession, le médecin peut accéder indirectement à beaucoup d’autres informations de caractère privé, sur le patient ou ses proches, qui doivent aussi rester secrètes : lorsqu’il est admis dans l’intérieur des foyers, au cours d’une enquête anamnestique, etc.
Il n’y a pas de limite précise entre la confidence et le renseignement « anodin ». Les commentateurs du code pénal et de nombreux arrêts de jurisprudence ont interprété la loi en affirmant que le médecin ne devait rien révéler à quiconque de ce qu’il a appris à l’occasion des soins donnés. C’est ainsi d’ailleurs que le public voit le secret (du moins tant qu’il n’a pas besoin d’un certificat pour obtenir un avantage) : toute personne doit avoir la certitude absolue qu’elle peut se fier à un médecin.
Ainsi le secret professionnel est la « pierre angulaire de la morale médicale »

2. Le secret professionnel est institué dans l’intérêt des patients

 toute l'équipe de chirurgie esthétique est soumise au secretL’adjonction « institué dans l’intérêt des patients », voulue par le Conseil d’Etat, est importante. Elle coïncide avec une évolution de la jurisprudence et l’assouplissement dans certains cas de la doctrine traditionnelle du « secret absolu ».

Le secret médical a été institué dans l’intérêt des patients, mais ce n’est pas sa seule raison d’être puisque, nous l’avons vu, il a un intérêt public. Il compte autant par sa virtualité que par son existence, il est fait pour les malades présents comme pour les malades futurs ou potentiels.
Rien n’autorise le médecin à livrer des renseignements hors des dérogations légales. Même entre médecins, la discrétion est de règle. La notion de « secret partagé » reste limitée aux membres de l’équipe soignante - qui doivent partager certaines informations pour assurer des soins corrects - dans l’intérêt du patient

Il ne s’agit pas là d’un réflexe corporatiste. La rigueur des dispositions actuellement en vigueur et le caractère impératif des règles déontologiques sont destinés à protéger le malade, non le médecin. Le respect du secret médical est un devoir du médecin et non un droit.
Faire tomber en désuétude cette conduite séculaire du médecin serait mépriser l’un des droits fondamentaux de l’homme : tous les patients doivent être assurés que leur confiance ne sera pas trahie lorsqu’ils livrent à leur médecin une information les concernant ou mettant en cause des tiers.

3 . Secret, famille et entourage

Le secret s’impose vis à vis de la famille et de l’entourage, mais en cas de diagnostic ou de pronostic grave il ne « s’oppose pas à ce que la famille, les proches, ou la personne de confiance définie à l’article L.1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci sauf opposition de sa part »

Seules les informations « nécessaires » peuvent être révélées dans l’un et l’autre cas . D’autre part, si les ayants droit ont accès au dossier d’une personne décédée (al. 7) il faut que la demande soit motivée et que ce droit s’exerce dans une des trois intentions citées : connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir des droits. Le malade de son vivant peut avoir fait opposition à cet accès. Sa volonté est respectée.

Le secret est également dû aux mineurs.

Les mineurs viennent souvent se confier aux médecins et, comme les adultes, ils ont droit au respect et à la discrétion. Il est important, surtout à l’adolescence, qu’un mineur puisse trouver en son médecin un confident qui n’ira pas révéler à ses parents les secrets qui lui sont confiés. Mais lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, ou qu’une décision importante est à prendre, le médecin doit tout faire pour le persuader de tenir ses parents au courrant, en sachant garder le secret sur ce qu’il n’est pas nécessaire de révéler.

4. Secret et justice

Ce que le médecin a pu connaître à l’occasion des soins donnés ne peut lui être demandé en témoignage devant la justice. Interrogé ou cité comme témoin de faits connus de lui dans l’exercice de sa profession, il doit se présenter, prêter serment et refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel.

Conclusions

  1. Garanti en France par le code de la santé publique et le code pénal, le secret médical est un droit du malade (intérêt privé) mais aussi un devoir de tout médecin (intérêt public). En principe, le secret médical est absolu, opposable à tous les tiers, portant sur tout ce dont le médecin a eu connaissance à l’occasion des soins.
  2. Le secret n’est pas la « propriété du malade ». Il n’est pas non plus la « propriété du médecin » et encore moins celle du corps médical ! Le secret n’appartient à personne, le médecin n’en est que le dépositaire et ne peut se permettre aucune divulgation en dehors des cas où la loi l’oblige, l’autorise ou le laisse libre de donner certains renseignements.
  3. Le principe du secret professionnel est parfois en conflit avec d’autres principes et d’autres intérêts. L’étendue et le caractère absolu du secret médical sont mis en cause quand il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité dans certaines affaires judiciaires, qu’il rend plus difficile l’application des lois sociales ou bien entrave la juste évaluation d’un dommage par une compagnie d’assurances.
  4. Certaines difficultés peuvent être résolues par la remise d’un certificat par le médecin à l’intéressé. Mais le malade n’a pas toujours une parfaite connaissance de ce dont il va autoriser la révélation et il n’est pas admissible que le malade soit mis en demeure de délier son médecin du secret.
  5. On soutient parfois que c’est l’intérêt du malade qui peut dicter la conduite du médecin. Cependant, il ne peut s’agir que d’intérêt légitime et le médecin ne doit pas se laisser entraîner dans une complicité de revendications illégitimes.
  6. Certes, le respect du secret médical ne doit pas être poussé jusqu’à l’absurde. Le médecin ne doit pas refuser des explications à la famille. Dans certains cas, son silence porterait préjudice au patient.
    Le médecin rencontre des cas de conscience car il s’agit là d’un domaine difficile où la diversité des cas concrets et la variété des situations ne permettent pas toujours de donner une réponse assurée.
    Le médecin, après avoir pris conseil, devra tenter de résoudre ces situations en conscience, sachant que toute transgression engage sa responsabilité.
    S’il a une hésitation, il fera prévaloir la conception rigoureuse du secret professionnel car, une fois le secret révélé